Notes

[Note 1] Parmi les travaux récents sur la morale, les trois qui, à divers titres, nous ont paru les plus importants sont : en Angleterre, les Data of Ethics, de M. Herbert Spencer ; en Allemagne, la Phénoménologie de la conscience morale, de M. de Hartmann ; en France, la Critique des systèmes de morale contemporains, de M. Alfred Fouillée. Deux points nous semblent ressortir à la fois de la lecture de ces ouvrages d'inspiration si différente : d'une part, la morale naturaliste et positive ne fournit pas de principes invariables, soit en fait d'obligation, soit en fait de sanction ; d'autre part, si la morale idéaliste peut en fournir, c'est à titre purement hypothétique. En d'autres termes, ce qui est de l'ordre des faits n'est point universel ; et ce qui est universel est une hypothèse spéculative. Il en résulte que l'impératif absolu disparaît des deux côtés. Nous acceptons pour notre propre compte cette disparition, et au lieu de regretter la variabilité morale qui en résulte, nous la considérons au contraire comme la caractéristique de la morale future. Contrairement aux spéculations transcendantes de M. de Hartmann sur la folie du vouloir-vivre et sur le nirvâna imposé par la raison comme devoir logique, nous admettons avec M. Spencer que la conduite a pour mobile la vie la plus intense, la plus large, la plus variée. D'autre part, avec l'auteur de la Critique des systèmes de morale contemporains, nous reconnaissons que l'école anglaise et l'école positiviste, qui admettent un inconnaissable, ont eu tort de proscrire toute hypothèse individuelle à ce sujet ; mais nous ne pensons pas que l'inconnaissable puisse fournir un « principe pratiquement limitatif et restrictif de la, conduite, » principe de justice qui serait comme un intermédiaire entre l'impératif catégorique de Kant et la libre hypothèse métaphysique. Les seuls « équivalents » ou « substituts » admissibles du devoir nous semblent être : 1° la conscience de notre pouvoir intérieur, à laquelle nous verrons se réduire pratiquement le devoir ; 2° l'influence mécanique exercée par les idées sur les actions ; 3° la fusion croissante des sensibilités et le caractère toujours plus social de nos plaisirs ou de nos douleurs ; 4° l’amour du risque dans l’action, dont nous montrerons l’importance jusqu’ici méconnue ; 5° la libre hypothèse métaphysique. Les seuls « équivalents » ou « substituts » admissibles du devoir nous semblent être : 1° la conscience de notre pouvoir intérieur, à laquelle nous verrons se réduire pratiquement le devoir ; 2° l'influence mécanique exercée par les idées sur les actions ; 3° la fusion croissante des sensibilités et le caractère toujours plus social de nos plaisirs ou de nos douleurs ; 4° l'amour du risque dans l'action, dont nous montrerons l'importance jusqu'ici méconnue ; 5° l'amour de l'hypothèse métaphysique, qui est une sorte de risque dans la pensée. Ces divers mobiles réunis sont pour nous tout ce qu'une morale fondée sur les faits peut mettre à la place de l'ancienne obligation catégorique. Quant à la sanction morale proprement dite, distincte des sanctions sociales, on verra que nous la supprimons purement et simplement, parce qu'elle est au fond immorale.

[Note 2] Sur la distinction du désiré et du désirable, voir notre Morale anglaise contemporaine, 2e édition. (IIe partie : De la méthode morale.)

[Note 3] Voir notre Morale anglaise contemporaine, 2e édition.

[Note 4] Morphologie, II, 16.

[Note 5] Il faut toutefois distinguer ici entre la jouissance de l'artiste, qui est toujours féconde, conséquemment généreuse, et celle de l'amateur d'art, qui peut être étroite et égoïste, parce qu'elle est toute stérile. Voir nos Problèmes de l'esthétique contemporaine.

[Note 6] Voir M. Alfred Fouillée, la Liberté et le Déterminisme, 2e édition, et la Critique des systèmes de morale contemporains.